Le Happening du Surveillant: discussion autour de cet œil sans visage
Le Happening du Surveillant: discussion autour de cet œil sans visage
Lors du Happening du mercredi 9 mai, l’artiste Emmanuelle Léonard a présenté un montage des images sélectionnées par les participants à l’atelier Par les yeux du Surveillant. Ces images, captées à partir des caméras de surveillance de la Fondation DHC/ART, ont apporté toute une réflexion autour des notions de contrôle et d’autorité, nous encourageant à reconsidérer notre rapport à l’espace public et aux représentations qui en sont faites.
Emmanuelle a parlé, lors de sa présentation, de l’utilisation récurrente de la caméra de surveillance dans plusieurs de ses œuvres, une caméra qui semble agir comme un œil sans visage. Cet œil anonyme, caché, donne l’apparence d’une objectivité froide et distante mais, finalement, nous force à regarder les choses d’une certaine façon, apportant avec lui son poids de conventions et imposant un certain point de vue sur ce qui est présenté.
En participant à Par les yeux du Surveillant, nous vivons cette expérience troublante de voir à travers un système normalement inaccessible, en épiant les choses louches et en jugeant des comportements inappropriés, pour ensuite réaliser que nous regardions les salles d’exposition où nous-mêmes avions circulé un peu plus tôt. Tout à coup, le regard du surveillant, en nous plaçant comme spectateurs involontaires, se retourne contre nous-mêmes. En résulte une certaine confusion quant à qui est épié et qui épie, qui est contrôlé et qui contrôle.
L’artiste, dans cette œuvre, brouille ainsi les frontières entre acteur et spectateur, entre public et autorité, mais aussi entre documentaire et fiction, en présentant un montage de ces bandes vidéo qui impose déjà un certain regard sur ce qui est montré. On a également discuté du fait que les institutions de l’art — telle la Fondation — exercent une forme de contrôle sur les corps des visiteurs en les encourageant à se comporter dans les salles d’une certaine manière. Ainsi, un comportement tout à fait naturel dans un autre lieu devient suspect dans un lieu d’exposition d’art contemporain: deux étrangers entament une discussion; quelqu’un se déplace un peu trop rapidement; ou quelqu’un semble attendre quelque chose. Par son travail, l’artiste questionne ainsi la caméra de surveillance comme dispositif neutre, mais aussi l’effet du lieu (à la fois physique, culturel et social) sur ses acteurs.
Daniel Fiset et Marie-Hélène Lemaire
DHC/ART Éducation
Photos: Daniel Fiset