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Mouvements: Ryoji Ikeda

Date et heure
Jeudi 14 juin 2012
Mots-clés

Mouvements: Ryoji Ikeda

Mouvements: l'apprentissage par l'œuvre d'art à DHC/ART

L’outil Mouvements est conçu par l'équipe de DHC/ART ― Éducation afin d'encourager les visiteurs à développer en profondeur certaines idées clés explorées par nos expositions. Ce document peut être lu et travaillé avant ou après la visite des expositions. Dès que l'outil Mouvements est utilisé, les concepts proposés par les éducateurs de DHC/ART se partagent peu à peu entre les visiteurs en ayant pour effet d'ouvrir des pistes de réflexion communes autour des œuvres et de l'exposition. Explorés avant la visite, les concepts de l'outil Mouvements exerceront une force d'évocation et de résonance pour les visiteurs, ils accompagneront et orienteront alors leur expérience des œuvres d'une certaine façon. Avec le temps, ces concepts voyagent et se transforment, ils nous inspirent d'autres idées et d'autres thématiques à partager à nouveau. Utilisé après la visite, le document Mouvements favorise la prise de recul réflexive nécessaire à toute expérimentation créative qui se veut également analytique face aux œuvres d’art et aux expositions à DHC/ART.

L'outil Mouvements nous rappelle également que l'expérience esthétique s'adresse tout autant à notre corps ― à tous ses sens et à ses mouvements dans l'espace de l'exposition ― qu'à notre intellect. Les mouvements physiques de notre corps sont intimement liés à ses mouvements émotifs et affectifs. Nos déplacements dans l’espace d’exposition éveillent nos sens. Au rythme de nos trajectoires et de nos jeux avec les différentes perspectives, notre vision devient mobile elle aussi : les images prennent forme au fur et à mesure que notre mémoire et notre imagination sont touchées, un paysage visuel intérieur se crée et se structure peu à peu. Le son est également mis à contribution et nous amène à être présents d’une autre manière : en constant flux, les sons nous traversent de parts et d’autres, nos oreilles et notre corps en capturent certains pour en laisser filer d’autres, une musique unique à chacun s’élabore. À l'aide de ce document, nous vous invitons à plonger tout entier ― esprit et corps ― dans les expositions de DHC/ART afin de développer une compréhension riche et dynamique de celles-ci.

CONTEXTE
Les mathématiques et l’art
Dans son travail, Ryoji Ikeda initie un dialogue entre les arts visuels et les mathématiques pures, deux disciplines qui sont normalement tenues à distance l’une de l’autre par nos institutions de savoir. Cette séparation est causée par une certaine insistance de la modernité sur la distinction nette entre la rationalité et l’émotion, distinction encouragée entre autres par le processus d’industrialisation de nos sociétés et par les théories de division du travail. Pourtant, à travers l’histoire de l’art, les artistes ont perçu les mathématiques comme un outil important de création. En Grèce antique, les sculpteurs et architectes utilisaient le nombre d’or comme canon pour calculer l’harmonie des proportions d’un bâtiment ou d’une statue. Des mouvements bien connus dans l’histoire de l’art moderne, comme le Bauhaus et le constructivisme [1] , se sont servis d’équations mathématiques et de principes généraux de design comme bases conceptuelles de leur travail. Ikeda a affirmé, dans une entrevue récente, que l’une de ses tâches, en tant qu’artiste, consistait à réduire l’écart entre le concept et l’exécution matérielle de l’œuvre ; il cherche ainsi à réunir sur un même plan des notions qui semblent contradictoires, radicalement différentes. Plutôt que de maintenir une distinction entre les mathématiques et l’art, entre l’idée et l’objet, ses projets cherchent à tisser des liens, à construire des ponts, mettant en avant-plan une approche multidisciplinaire et multisensorielle de la création artistique.

Connaissez-vous d’autres exemples, à travers l’histoire ainsi qu’à notre époque, d’échanges ou de collaborations entre les arts visuels et les mathématiques?

Bien qu’acceptée par la grande majorité, la division du cerveau en deux hémisphères distincts (le cerveau gauche rationnel et le cerveau droit créatif) est contestée par certains théoriciens qui préfèrent étudier la façon dont on pense et organise l’information de manière plus holistique. Comment vous positionnez-vous dans ce débat? Croyez-vous que l’approche cerveau gauche/cerveau droit soit utile, nécessaire, ou contient-elle des lacunes? Si oui, lesquelles?

CONTENU
Le tangible et l’intangible
Ikeda a déjà affirmé que l’un des rôles principaux des artistes contemporains était d’assurer une matérialisation du processus de création (Le Laboratoire 2008, 11). Cette façon de comprendre l’acte créatif va de pair avec les théories de plusieurs penseurs, dont John Tresch, qui considèrent que l’un des rôles de l’art actuel est de rendre les choses visibles, de générer une forme de conscience publique (2005). Pourtant, il y a une dichotomie importante entre la tangibilité et l’intangibilité qui fait partie intégrante du travail d’Ikeda. D’une part, il utilise des objets concrets et usuels dans ses œuvres, comme des cartes perforées d’ordinateurs, du film 35 mm, des rouleaux pour pianos mécaniques, des écrans et des projecteurs. En les accrochant aux murs, en projetant de la lumière à travers eux, en les installant minutieusement dans l’espace d’exposition, il donne à ces objets utilitaires une seconde vie en révélant leur beauté pure et tranquille. D’autre part, son travail investit les aspects immatériels de notre société. Il utilise les données, l’information invisible qui circule constamment autour de nous, comme base conceptuelle, et fait usage du son et de la lumière, deux manifestations immatérielles qui encouragent une approche phénoménologique de l’œuvre d’art, afin de célébrer l’expérience de l’art plutôt que l’objet en soi.

Croyez-vous que nous vivons dans un monde post-objet, ou croyez-vous plutôt que nous sommes de plus en plus dépendants des objets?

Certains des objets utilisés par Ikeda dans ses œuvres sont ou vont rapidement devenir obsolètes (les cartes perforées d’ordinateurs, par exemple). Les considérez-vous encore comme des technologies? Qu’implique pour vous le terme « technologie »?

COMPOSITION
Le son et l’image
L’art moderne et contemporain a souvent cherché à questionner la séparation des sens en cinq catégories distinctes et la supériorité de la vision sur les autres sens, proposant plutôt une définition plus ouverte de l’art comme une manifestation que l’on peut voir, mais aussi toucher, sentir, entendre et même, dans certains cas, goûter. Dans ses œuvres montrées à DHC/ART, Ikeda vient lui aussi brouiller volontairement les sens. L’artiste se rend aux limites de ce qui peut être vu ou entendu et questionne les présupposés de l’expérience muséale en encourageant l’interaction et les rapprochements avec l’oeuvre, ainsi que les déplacements alentour. Il considère ainsi ses œuvres non pas comme des objets à regarder passivement, mais comme des expériences qui dépendent de notre participation active pour exister pleinement. Cette réflexion prend tout son sens dans data.tron [advanced version 2], une installation immersive qui place le visiteur au centre de l’action. Dans cette œuvre, Ikeda joue entre autres avec les propriétés et les limites du son ; à un moment, une montée sonore semble nous envelopper, alors que ponctuellement des petits sons très aigus se font entendre, poussant le visiteur aux frontières de la perception auditive. C’est aussi le cas de la série the transcendental, exposée au premier étage du 451 rue St-Jean, constituée de trois œuvres sur papier qui, à première vue, semblent monochromes. On pourrait croire ici que l’artiste trace un lien théorique entre sa démarche et l’histoire moderniste de la peinture, notamment les travaux de Clément Greenberg sur la spécificité du médium, caractérisé essentiellement par la planéité du support et la délimitation de cette planéité (1961). Or, lorsque le visiteur entre dans un rapport de proximité avec l’image, il peut y discerner une série de chiffres miniatures, changeant ainsi complètement notre rapport à ce qui est représenté. Tout au long de l’exposition, Ikeda s’amuse à nous faire percevoir les choses différemment, nous faisant réaliser à quel point les données sont infiniment petites et invisibles.

John Cage était un compositeur expérimental américain et un théoricien du son et de la musique qui a eu un impact considérable sur les pratiques en art contemporain. Dans ses écrits, il a élaboré un système constitué de cinq paramètres par lesquels on peut décrire le son : l’amplitude, la durée, la structure harmonique, la fréquence et l’occurrence. Pourrions-nous utiliser ce système pour décrire et analyser des œuvres d’art visuelles?

Nous utilisons fréquemment des termes liés au monde visuel pour décrire des émotions (avoir les bleus, voir rouge) ou pour décrire des expériences liées aux autres sens, comme l’ouïe. Pourquoi utilisons-nous ces métaphores?

CONSIDÉRATIONS
Le bruit, le son et la musique
Comment définiriez-vous ces trois termes? Y a-t-il une distinction majeure à faire entre ces trois termes? Si oui, quelle est-elle? Comment utiliseriez-vous ces trois termes pour parler du travail d’Ikeda?

Le minimalisme [2]
Qualifieriez-vous le travail d’Ikeda de minimal ou de minimaliste? Pourquoi? Voyez-vous une différence majeure entre les termes « minimal » et « minimaliste »? Quelle est-elle?

[1] Le Bauhaus est une école allemande fondée en 1919 offrant une formation combinée en artisanat, en arts plastiques et en design, développant ainsi une approche totale de la création artistique et l’intégration de toutes formes de pratiques au sein de projets collectifs. Le constructivisme est un mouvement artistique fondé dans les années 1910 et 1920 en Russie, qui prônait une vision de l’art utilitaire, au service des réalités sociales.
[2] On peut voir par l’utilisation du terme « minimalisme » une allusion à l’art minimal, tendance observée surtout dans la deuxième moitié du 20e siècle, notamment en sculpture (Donald Judd, Dan Flavin, Tony Smith, Anthony Caro) et en peinture (Barnett Newman, Kenneth Noland, Ellsworth Kelly). On peut aussi y voir une référence à la musique minimale américaine (La Monte Young, Steve Reich, Phillip Glass).

Bibliographie

GREENBERG, Clement (1961). Modernist Painting. En ligne. . Consulté le 27 août 2012.

LE LABORATOIRE (2008). V≠L. Ryoji Ikeda and Benedict Gross. En ligne. Consulté le 27 août 2012.

TRESCH, John (2005). “¡Viva la República Cósmica!, or The Children of Humboldt and Coca-Cola”. Bruno Latour et Peter Weibel (éd.), Making Things Public : Atmospheres of Democracy. Cambridge : MIT Press.

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