Entrevue avec Emmanuelle Léonard: réflexions sur le projet éducatif Par les yeux du surveillant
Entrevue avec Emmanuelle Léonard: réflexions sur le projet éducatif Par les yeux du surveillant
Myriam Daguzan Bernier: En tant qu’artiste, comment approche-t-on une invitation à créer un projet éducatif comme celui proposé par DHC/ART Éducation? Est-ce complémentaire à la création ou est-ce une tout autre démarche?
Emmanuelle Léonard: Il faut d’abord cerner le contexte, connaître les paramètres (le temps alloué, l’équipement disponible, etc.). À la différence d’une œuvre pour laquelle l’artiste détermine le moment où elle est terminée, ici, ce contrôle est abandonné au profit d’un processus collectif. La finalité n’est pas dans une forme définitive, mais plutôt dans une recherche qui, à chaque fois, produit de nouvelles possibilités.
M.D.B.: De quelle façon vous êtes-vous inspirée de l’exposition?
E. L.: Dans le cadre de cette exposition, je me suis arrêtée aux questions du pouvoir de représentation, du pouvoir de produire l’image (l’accès) et du pouvoir de l’image (surveillance). Je ne me suis pas directement penchée sur la question du morbide pour privilégier le thème du contrôle étatique incarné par la caméra de surveillance, cet œil sans visage.
M.D.B.: En recevant la proposition de créer un projet éducatif relié à cette exposition, quelles sont les réflexions qui vous sont venues en tout premier lieu? Que trouviez-vous important de mettre de l’avant?
E. L.:En travaillant à partir du circuit de caméras de surveillance de DHC, en utilisant des bandes vidéo dont on ne sait si elles sont fiction ou réalité, en observant sur ces bandes des spectateurs anonymes, c’est un peu lui-même que le participant est amené à observer. On se trouve alors dans un jeu de pistes où l’on est à la fois en position de poursuivant et de poursuivi.
M.D.B.: Dans quelles dispositions les participants doivent-ils sortir de cet atelier, de ce projet éducatif? Avec quelles réflexions et/ou questions en tête? Où veut-on les amener?
E. L.: Difficile de présumer de ce que quelqu’un retient d’une expérience comme celle-ci. Mais il semble que les attitudes découlant de l’usage d’un circuit de caméras de surveillance deviennent plus suspicieuses…
M.D.B.: Comment trouvez-vous les résultats des discussions et des réflexions apportées par l’atelier? Est-ce que cela correspond à vos attentes? Êtes-vous surprise par certaines réactions?
E. L.: En observant les résultats, les choix faits par les participants, puis en comparant les images ainsi créées, ce sont nos propres conventions que nous observons. Ce qui peut générer des discussions animées… C’est aussi la mécanique du système de surveillance qui est examinée. Ce qui m’a le plus surprise, c’est à quel point cette mécanique suggère une réponse, à quel point on ne peut échapper aux réponses qu’elle nous sert sur un plateau d’argent. En somme, la technique n’est pas neutre, on s’en doutait bien sûr, mais c’est confirmé…
Photos: Emily Keenlyside