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Récits imparfaits: le pouvoir, l’allégorie et la perte dans Pièces de résistance

Date et heure
Mercredi 20 mai 2015

Récits imparfaits: le pouvoir, l’allégorie et la perte dans Pièces de résistance

L’outil Yinka Shonibare MBE: Mouvements est conçu par l'équipe de DHC/ART ― Éducation afin d'encourager les visiteurs à développer en profondeur certains concepts clés explorés par l'exposition Yinka Shonibare MBE: Pièces de résistance. Ces concepts sont la migration, la relation, le plaisir et le dandy. Cette semaine nous présentons le troisième essai de la série qui explore la notion de relation.

Contenu: Relation

Yinka Shonibare MBE utilise l’allégorie de manière à s’approprier des moments de l’histoire politique, économique et artistique. Ce faisant, il stimule notre imaginaire à explorer de nombreuses relations fort complexes — entre l’Europe et l’Afrique, le passé et le présent, les faits et la fiction. Aussi, il met en lumière ces éléments contradictoires, fluides et multiples qui façonnent nos identités culturelles et nos mémoires collectives.

En déconstruisant des peintures, la littérature et des monuments publics, Shonibare ouvre la voie à des relectures du présent qui prennent en compte la proximité de celui-ci au passé, un rapport que plusieurs préfèrent ignorer. Ainsi, notre perception des objets, des gens et des événements — et notre relation à ceux-ci — est transformée en une sensibilité plus sceptique quant à ce qui est caché, au non-dit, au pris pour acquis, à ce qui est vénéré et ce qui est glorifié. Ces transformations sont tout à la fois ludiques et tranchantes; Shonibare nie toute autorité morale, rejetant une approche à la création qui pourrait être interprétée comme étant didactique. Plutôt, il propose une conversation qui prend en considération la riche complexité des origines, la mise en doute de l’authenticité et les enjeux politiques de la représentation.

À la manière des autres oeuvres-mannequins de Shonibare, Nelson’s Jacket s’inspire de la mise en exposition muséale traditionnelle et s’approprie certains de ses codes. Avec sa coupe impeccable, ses épaulettes, ses boutons de manchettes décoratifs et son collet monté, cet uniforme, déjà symbole d’autorité, se voit conféré un prestige accru par son exposition dans une vitrine. Une entrée d’encyclopédie récente rend compte de la forte aura qui entoure toujours la figure de Lord Horatio Nelson, ce héros national ‘brillant et téméraire’ : «terrassé parla fièvre — probablement la malaria —, affaibli, il était cloué au lit, lorsque soudainement, se remettant de sa dépression, Nelson a ressenti un fort élan d’optimisme. Dès cet instant, l’ambition de Nelson, galvanisée par le patriotisme et tempérée par la compassion chrétienne lui venant de son père, l’a poussé à se mesurer à ses éminents compatriotes [1]». Pour Shonibare, ce personnage constitue l’allégorie parfaite de la ferveur impérialiste. D’ailleurs, cette dernière n’est pas si éloignée des relations de pouvoir qui se jouent dans le contexte de mondialisation actuel et au sein desquelles l’artiste reconnaît son implication. Ces relations de pouvoir sont comprises dans le canon de la peinture moderne, dans les activités de loisirs des classes supérieures et dans les stratégies militaires internationales. Plus spécifiquement, elles se jouent aussi dans les pratiques de design et de marketing de la multinationale qui produit le tissu wax hollandais, matière avec laquelle le veston de Nelson (Nelson’s Jacket) est confectionné et élément si important dans le travail de Shonibare.

Shonibare affirme : «Je ne nourris aucune colère à propos de quoique ce soit, il n’y a pas de colère dans mon travail... je ne fais pas des commentaires politiques définitifs : parce que j’ai un pouvoir d’agir, je peux être ludique… j’ai beaucoup plus de liberté, et il y a une forme de plaisir que je m’accorde ainsi, et je peux m’amuser avec tout ça [2]». Quelle est votre réponse à cette affirmation? En exposant les complexités de l’histoire afin de provoquer des conversations au sujet du pouvoir et de l’identité, Shonibare articule également son ambivalence face à ces concepts. De quelle façon ce positionnement influence-t-il votre lecture de ses oeuvres?

Imaginez un artiste d’une époque future. À votre avis, quels événements ou figures publiques contemporains va-t-il s’approprier afin de mieux comprendre sa réalité socio-politique et culturelle?

DHC/ART Éducation

[1] Encyclopedia Britannica Online, «Horatio Nelson, Viscount Nelson» consulté le 9 avril, 2015, http://www.britannica.com/EBchecked/ topic/408359/Horatio-Nelson-Viscount-Nelson.
[2] Rebecca Jagoe, “Colonialism and Cultural Hybridity: An Interview with Yinka Shonibare, MBE,” consulté le 9 avril 2015, http://theculturetrip.com/africa/nigeria/articles/colonialism-and-cultural-hybridity-an-interview-with-yinka-shonibare-mbe/%0A.

Photo: Yinka Shonibare MBE, Self Portrait (after Warhol) 2, 2013. Sérigraphie unique, épreuve numérique et lin peint à la main, 134,5 x 134 x 5,5 cm. © Yinka Shonibare MBE, SODRAC, avec permission de la galerie James Cohan, New York/Shanghai.

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