Le plaisir et son antithèse
Le plaisir et son antithèse
L’outil Yinka Shonibare MBE: Mouvements est conçu par l'équipe de DHC/ART Éducation afin d'encourager les visiteurs à développer en profondeur certains concepts clés explorés par l'exposition Yinka Shonibare MBE: Pièces de résistance. Ces concepts sont la migration, la relation, le plaisir et le dandy. Cette semaine nous présentons le deuxième essai de la série qui explore la notion du plaisir.
Composition: Plaisir
Les mondes créés par Yinka Shonibare MBE plongent le spectateur dans une mascarade de couleurs où théâtralité, textures et saturation des sens abondent. Dans ses peintures, photographies et films, l’artiste explore visuellement les thèmes de la décadence et de l’excès. Les multiples tissus wax hollandais éclatants qui recouvrent ses sculptures en sont certainement la manifestation la plus saisissante. Une forme de vitalité exubérante attire le spectateur au coeur des oeuvres de Shonibare, ce qui a pour effet de créer une expérience profondément réjouissante. Car le plaisir est une notion très importante pour l’artiste, il affirme : «Je me considère comme un hédoniste... je crois que le plaisir est roi — et celui-ci constitue une base très solide pour agir de façon subversive [1]».
Si le plaisir est roi, c’est néanmoins la subversion qui règne dans l’empire de Shonibare. En effet, cachés sous les quantités de tissus colorés et sous la splendeur de surface que l’artiste nous présente, il y a des récits puissants. L’Histoire, avec toutes ses ironies et ses hypocrisies, inégalités et trahisons, est ensevelie là-dessous. Par exemple, l’oeuvre La Méduse (2008) met en lumière une histoire connue, mais souvent ignorée, qui fait référence à la traite d’esclaves de la France, à la colonisation et à un épisode scandaleux. Les voiles agitées du navire, taillées en tissu wax à motifs de cibles et de triangles rouges, jaunes et roses, évoquent brillamment cette réalité. L’artiste crée aussi des histoires imaginées, tout comme dans The Age of Enlightenment – Immanuel Kant (2008), où Kant, habillé de manière extravagante et ludique, est représenté sans tête et sans jambes. Pour Shonibare, la beauté est un appât redoutable. Les éléments séduisants de la composition de ses oeuvres envoûtent d’abord le spectateur, pour mieux l’attaquer ensuite; celui-ci réalise alors tout le poids et la gravité de Pièces de résistance. Tractations politiques en coulisses, colonisation, luttes de pouvoir. L’antithèse du plaisir.
Le philosophe contemporain français Michel Onfray affirme : « l’hédonisme propose de considérer notre propre plaisiret celui des autres comme appartenant au bien supérieur commun ; il ne faut jamais s’approprier le plaisir au détriment de ce bien commun [2] ». Élaborez autour de cette idée en prenant en considération la façon dont Shonibare met l’accent sur le plaisir par opposition aux questions subversives et critiques qu’il soulève dans son oeuvre.
Shonibare n’est pas le seul à utiliser une approche visuelle séduisante afin de traiter de problématiques difficiles et controversées. Pouvez-vous identifier d’autres artistes contemporains qui utilisent cette même stratégie ? À votre avis, est-ce une bonne façon de mettre en lumière des sujets graves et complexes ?
DHC/ART Éducation
[1] Robert Hobbs, "The Politics of Representation," Yinka Shonibare MBE (New York: Prestel, 2008), 34.
[2] Jasmina Sopova, "Michel Onfray: A Philosopher of the Enlightenment," The UNESCO Courrier 9 (2007), consulté le 26 mars, 2015, http://unesdoc.unesco.org/images/0019/001921/192178e.pdf.
Photo: Yinka Shonibare MBE, The Age of Enlightenment – Immanuel Kant (détail) 2008. Mannequin en fibre de verre, tissu wax, techniques mixtes. © Yinka Shonibare MBE / Photo: Jason Mandella / SODRAC / avec l’aimable concours de James Cohan Gallery, New York et Shanghai.