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Partager la danse: un projet de médiation à l’art avec Festival Quartiers Danses

Date et heure
Jeudi 22 août 2019

Partager la danse: un projet de médiation à l’art avec Festival Quartiers Danses

À l’automne 2018, Festival Quartiers Danses (FQD) et l’équipe de l’éducation et de l’engagement public de la Fondation Phi pour l’art contemporain ont initié une collaboration afin de développer un projet pilote de visites de groupe où le mouvement du corps se situe au cœur de l’expérience de l’œuvre. Ces visites ont été offertes à quelques groupes ciblés dans l’exposition Everything That You Desire and Nothing That You Fear (du 25 octobre 2018 au 3 mars 2019) de l’artiste slovène Jasmina Cibic.

Cet article bilingue offre une présentation du projet pour ensuite traiter plus spécifiquement d’une visite offerte aux participants de l’AMDI (l’Association de Montréal pour la Déficience Intellectuelle) en février dernier, coanimée par la danseuse et chorégraphe Janelle Hacault, collaboratrice du FQD, et par deux éducatrices de la Fondation Phi: Tanha Gomes et Marie-Hélène Lemaire. Laure Barrachina, responsable de la médiation culturelle au FQD, et Amélie Guindon, coordonnatrice à l’intégration et sensibilisation à l’AMDI, se joignent aux voix de Janelle, Tanha et Marie-Hélène pour témoigner de la collaboration.

Marie-Hélène Lemaire – Fondation Phi: Il existe un phénomène récent en éducation muséale où on tente d’enrichir l’expérience des visiteurs dans les expositions d’art contemporain en portant une attention particulière au mouvement du corps. À titre d’exemple, le Centre Pompidou propose les matinées Art Détox, des visites sportives qui allient expérience corporelle et contemplation des œuvres. Le projet Ways to Wander the Gallery au Tate Modern à Londres propose également aux visiteurs des manières autres de déambuler dans les espaces du musée, en utilisant le geste et les microperformances pour s’engager envers les œuvres. Les expériences de pleine conscience (mindfulness) sont aussi de plus en plus encouragées dans les musées et les galeries, la Manchester Art Gallery en est un bel exemple. Notre projet collaboratif FQD et Fondation Phi s’inscrit dans ces initiatives internationales.

Laure BarrachinaFQD: Le FQD a pour mission de démocratiser la danse contemporaine sous toutes ses formes et hybridités en la rendant plus accessible à tous les publics dans des lieux tant traditionnels qu’inusités. Depuis 2014, le FQD s’est doté d’un département de médiation culturelle pour amener la danse de création dans les organismes communautaires, les CPE, les résidences, les milieux hospitaliers... Le festival s’investit souvent dans des approches pluridisciplinaires et a développé depuis plusieurs années des formules d’ateliers alliant danse et arts visuels, notamment au Musée des Beaux-Arts de Montréal. Le lien entre les deux arts peut surprendre, mais s’avère très naturel lorsqu’on le met en place. La médiation par le corps et par le mouvement permet d’expérimenter les œuvres, de les ressentir, de les rendre plus sensibles. Inscrire une œuvre dans le corps invite à la regarder davantage, à la ressentir, à la questionner. Cette approche est particulièrement intéressante avec des publics pour qui la médiation orale est moins adaptée, comme les jeunes enfants ou les personnes avec une différence intellectuelle. Travailler cette approche avec l’équipe éducative de la Fondation Phi a été un réel plaisir. Nous avons rencontré une équipe curieuse et accueillante, très ouverte à explorer cette forme de médiation.

Marie-Hélène: Ce fût un geste tout à fait naturel pour nous au Département de l'éducation et de l'engagement public de la Fondation Phi de collaborer avec le FQD. Au cœur du mandat de la Fondation, il y a l’accessibilité à l’art contemporain pour tous et toutes. Notre approche pédagogique ancrée dans la phénoménologie du mouvement et la pensée critique nous permet de servir cette mission d’accessibilité en incluant la notion de mouvement sous toutes ses formes: physique, émotive ou intellectuelle. Toutefois il est vrai que nos visites de groupe actuelles se déroulent en prédominance dans un dialogue parlé. Ainsi, avec les chorégraphes, les danseuses et la médiatrice du FQD nous pouvions nous nourrir de leur riche expertise afin de complexifier la notion de dialogue lors de nos visites pour l’ouvrir vers les corps.

Laure: La formule danse et arts visuels se prête bien à l’art contemporain, surtout l’art abstrait. L’exposition de Jasmina Cibic était au contraire très figurative, exploitait beaucoup la vidéo et soulevait des concepts assez complexes. Elle semblait présenter a priori certains défis pour la médiation dansée. Nous avons travaillé avec les danseuses et chorégraphes Kyra Jean Green et Janelle Hacault et l’équipe de la Fondation Phi pour créer un corpus de mouvements. Deux ensembles de mouvements sont ressortis de ce travail: le vocabulaire esthétique de Cibic avec le répertoire des formes que l’on retrouve dans son travail et les rouages de la construction d’une identité personnelle, culturelle et nationale.

Nous avons animé 4 ateliers avec l’équipe de la Fondation Phi: deux avec des enfants de maternelle et deux avec des participants ayant une différence intellectuelle (de l’AMDI et les Muses). Nous avons attribué à chacun des deux publics une thématique: répertoire des formes pour les enfants et construction de l’identité pour les deux autres groupes. Les mouvements ont été adaptés aux deux publics. Les enfants ont joué avec les formes géométriques, les ont identifiées dans les œuvres, les ont formées avec leur corps ou celui de leur camarade. Les groupes de l’AMDI et des Muses ont davantage joué avec le concept d’identité: faire un mouvement qui nous représente, faire faire des mouvements à un autre et construire un mouvement de groupe comme identité collective.

Marie-Hélène: Un moment marquant pour moi s’est passé en coanimant avec Laure avec les enfants de maternelles. Nous avons d’abord observé deux photographies grand format de Cibic, où des figures féminines interagissent avec des objets aux formes géométriques simples, l’une manipulant une petite boule rouge et l’autre un grand cadre à grilles triangulaires. Laure a ensuite proposé aux enfants un mouvement collectif où ils se sont immédiatement investis avec plaisir. Imaginant une petite boule rouge dans leurs mains, ils étaient invités à se la passer à leur manière: certains la plaçaient dans la main de l’autre tout en délicatesse et d’autres la faisaient rebondir sur la tête de leur voisin en s'esclaffant! Ensuite, c’était le tour du grand cadre à être imaginé et porté par les enfants: ceux-ci se le passaient en ressentant sa lourdeur et son grand format, en élargissant leurs bras et en courbant le dos vers le sol. Des notions fondamentales liées au poids et à l’échelle étaient ainsi vécues directement dans le corps, une excellente manière pour les enfants de cet âge de les expérimenter!

Laure: L’exploration des formes s’est prolongée dans l’atelier de peinture Une danse de symboles, où chaque enfant créait une grande forme géométrique à son image avec des jeux de pochoirs, de rayures, de giclures et d’étampes. Ensuite, ils faisaient une performance collective avec leurs formes, inspirés des mouvements faits en visite.

Tanha GomesFondation Phi: Co-animating this visit for MAIH (Montreal Association for the Intellectually Handicapped) participants with Janelle Hacault, a dancer and choreographer, and FQD collaborator, was a very thrilling experience. We wanted to create an experience that was inclusive and allowed for different ways of knowing and sharing, which meant we would privilege an interpretation of art through movement, while ensuring that participants had enough space to express their questions and opinions. Although we had pre-established the works we would explore during the visit with MAIH, Janelle was very attentive to the participants’ needs and level of comfort, proposing different movements and adjusting her instructions accordingly. Her sensitivity and understanding of our methodology at the Fondation Phi allowed her to listen and improvise. She created a space that felt open, safe, and welcoming to interact with the works.

Jasmina Cibic’s exhibition was an excellent point of departure for this collaboration, since it was conceived as an immersive installation, where the scenography was carefully crafted to enhance our corporeal experience of the gallery: the low ceiling, the warm lighting, and the sensual curtains made us aware of the effects of architecture on our bodies. On the first floor, Janelle invited us to create a moving sculpture by joining a part of our bodies to that of another person in the group. We were all so absorbed by the movement that at a point a visitor passing by decided to join our moving sculpture with a mix of joy and curiosity.

On the third floor, we encountered the performance An Atmosphere of Joyful Contemplation where two classical singers presented a song while they hand-sewed a kilim. This allowed us for a moment of awe, pause and contemplation. Once we reached the fourth floor, we stood in front of a series of photographs of a dancer in different poses. This time, Janelle invited participants to recreate those poses with her body. As participants took turns to gently and playfully interact with her, one of them reproduced the motifs we encountered during the visit.

Finally, our collaboration with FQD allowed us to experience the exhibition using movements, through exercises that focused on details of the works that might otherwise have been missed. We look forward for the next one!

Janelle HacaultFQD: I cannot express in words how amazing my experience was collaborating with Marie-Hélène and Tanha at the Fondation Phi. FQD invited me to lead a movement portion of a tour with members of MAIH. I was a bit nervous going into it, not knowing how it would be received but it ended up being one of the most enriching experiences in sharing dance that I have encountered. Integrating movement with the story and experience of visual art was incredibly profound. What blessed me most was seeing the joy everyone experienced by dancing together, and hearing what each person had to share. At the end of the workshop, we created a dance phrase altogether and it showed me the true power dance can have in bringing people together in a safe and generous environment. I left that experience convinced that there is an incredible purpose in sharing dance and using it as a tool for community building. I am forever thankful for the opportunity to collaborate with such amazing organizations!

Amélie GuindonAMDI/MAIH: C’est toujours un grand privilège de participer aux activités proposées par l’équipe de la Fondation Phi. Ces activités sont toujours très réfléchies et adaptées aux besoins de nos membres. Ça fait déjà plus de 5 ans que nous collaborons et vivons ces échanges toujours enrichissants. Cette fois-ci, l’activité était très intéressante puisqu’elle proposait d’ajouter un tiers médium à la visite régulière, celui de la danse. Collaborer avec Festival Quartiers Danses nous permet d’apprivoiser la danse, de développer d’autres moyens d’expression afin d’ouvrir nos horizons. Merci énormément, vous êtes un exemple en ce qui a trait à l’accessibilité de l’art.

Article avec les propos de:
Laure Barrachina, Tanha Gomes, Amélie Guindon, Janelle Hacault, Marie-Hélène Lemaire

Photos: Romain Lorraine

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