Retracer la migration: l’art de Yinka Shonibare MBE
Retracer la migration: l’art de Yinka Shonibare MBE
L’outil pédagogique Yinka Shonibare MBE: Mouvements est conçu par l'équipe de DHC/ART Éducation afin d'encourager les visiteurs à développer en profondeur certains concepts clés explorés par l'exposition Pièces de résistance de Yinka Shonibare MBE. Ces concepts sont la migration, la relation, le plaisir et le dandy. Cette semaine nous présentons le premier essai de la série qui explore la notion de migration.
Contexte: Migrations
L’image de Homeless Child 3 (2013) de Yinka Shonibare MBE surgit: un corps d’enfant plié sous la pression d’un lourd fardeau, un amoncellement vertigineux de bagages de cuir d’une autre époque. Et malgré tout, il résiste, il marche, il saisit du bout des doigts les sangles d’attache. Il a pour tête un globe terrestre victorien noir marqué d’une fine écriture blanche. La figure est sans chez-soi — homeless. Est-ce un enfant stigmatisé par la pauvreté, dans la rue, errant? Pourtant ses vêtements en tissu wax rendent la figure ambiguë. Bien que ce genre de tissu soit typiquement associé à une africanité authentique, il est plutôt un hybride controversé; c’est une appropriation des batiks artisanaux indonésiens par les colonisateurs hollandais, pour en produire des copies de manière industrielle et ensuite les revendre aux Africains de l’Ouest. Aussi, le style du vêtement est caractéristique de la classe aristocratique victorienne. Figure d’enfant d’origine africaine? Figure hybride, d’une classe sociale indéterminée, portant le fardeau de l’histoire coloniale? Quels fardeaux, quelles histoires? Selon quelle perspective?
Homeless Child 3 (2013) propose une esthétique migratoire, un concept riche, ouvert et exigeant, développé par la théoricienne culturelle Mieke Bal. Notre culture de la mondialisation est caractérisée par le mouvement: les choses et les gens voyagent à grande vitesse, souvent et partout; nous défions les distances géographiques en communiquant instantanément via nos appareils mobiles; nous consommons aisément à bas prix des vêtements confectionnés en Inde, en Chine, en Amérique du Sud. Nous croyons transcender les frontières via nos élans d’accélérations. L’art qui propose une esthétique migratoire ne nie pas cette culture de la mobilité, mais il se demande, de manière critique: qui profite de ces mobilités et qui en est exclu? Qui est contraint dans une situation perpétuelle 'd’entre-deux' [1]? Qui est forcé de s’exiler, de se relocaliser, toujours, et pourquoi? L’art migratoire propose des mouvements alternatifs à forte conscience politique et historique: où les identités sont relationnelles et non uniques et fixes; où les formes qui migrent sont tangibles et matérielles, suscitant un engagement de proximité sensible par ceux qui les rencontrent [2] ; où il est possible d’imaginer une conception d’un ‘chez-soi’ qui soit à la fois nomade, ouvert à la présence de l’autre et ancréà de multiples racines.
L’art migratoire possède une forte matérialité qui entraîne un ‘engagement de proximité sensible’ (qu’est-ce que l’art fait? qu’est-ce que l’art nous fait?) entre le spectateur et l’oeuvre. En traitant des oeuvres et de l’exposition Pièces de résistance de Shonibare, décrivez ce type d’engagement selon votre perspective.
Le concept d’esthétique migratoire est appelé à être constamment réapproprié. Élaborez votre propre compréhension du terme en dialoguant avec certaines oeuvres de l’exposition Pièces de résistance.
DHC/ART Éducation
[1] Sam Durrant et Catherine M. Lord, introduction, Essays in Migratory Aesthetics: Cultural Practices between Migration and Art, ed. Sam Durrant et Catherine M. Lord, (Amsterdam et New York: Rodopi, 2007), 11-20.
[2] Mieke Bal et Miguel Á. Hernández-Navarro, introduction, Art and Visibility in Migratory Culture: Conflict, Resistance and Agency, ed. Mieke Bal et Miguel Á. Hérnandez-Navarro, (Amsterdam et New York: Rodopi, 2011), 9-20.
Photo: Yinka Shonibare MBE, Homeless Child 3, 2013. Mannequin, tissu wax, fibre en verre, globe, valises en cuir. © Yinka Shonibare MBE / Photo: Stephen White / SODRAC / avec l’aimable concours de James Cohan Gallery, New York et Shanghai.